Urgence en Algérie : Le défenseur des droits humains Tahar Larbi en grève de la faim

 Détention arbitraire en Algérie

Communiqué conjoint

 Algérie, 16 juin 2025 | Les associations AdalaForAll, Justitia Center et Libertés Algérie expriment leur vive inquiétude face à la situation critique de M. Tahar Larbi, défenseur algérien des droits humains et de l’environnement, président de la section dissoute de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) à El Abiodh Sidi Cheikh, détenu depuis le 18 septembre 2024 à la prison d’Abadla (wilaya de Béchar). Engagé dans une grève de la faim depuis le 21 avril 2025 pour dénoncer ses conditions de détention, il souffre d’une détérioration alarmante de son état de santé, sans qu’aucune prise en charge médicale appropriée ne lui ait été assurée à ce jour.

Militant pacifique engagé depuis 2003, M. Larbi avait déjà été condamné en 2020 à six mois d’emprisonnement pour des publications critiques, peine ensuite réduite par grâce présidentielle. Son arrestation actuelle résulte de deux affaires fondées exclusivement sur l’exercice de sa liberté d’expression. En 2023, il a publié sur les réseaux sociaux des textes dénonçant la gestion opaque des ressources naturelles et l’appropriation de terres par des ressortissants du Golfe à El Bayadh, en particulier pour des activités de chasse, au détriment des éleveurs locaux. Il a également relayé des publications liées au mouvement Hirak, des caricatures satiriques et un article historique sur les tensions internes au sein du FLN. En septembre 2024, à l’approche de l’élection présidentielle, il a critiqué la légitimité du scrutin à travers des messages satiriques.

 

Condamné à quinze ans de prison ferme en première instance pour des publications diffusées sur les réseaux sociaux, puis à quatre ans en appel, M. Larbi a été jugé selon une procédure marquée par des violations substantielles de son droit à un procès équitable. Il a été poursuivi sur la base des articles 96, 144 bis et 149 bis du Code pénal, dispositions contraires aux principes de clarté, de nécessité et de proportionnalité, et dénoncées à plusieurs reprises par les procédures spéciales des Nations Unies.

L’absence d’un contrôle juridictionnel indépendant, conjuguée à la restriction de l’accès à ses avocats, compromet gravement son droit à une défense effective, protégé par l’article 14 du PIDCP et par les Principes de base relatifs au rôle du barreau (1990).

Depuis sa détention, M. Larbi est soumis à des actes de violence et de harcèlement, a fait l’objet d’un transfert punitif arbitraire, et est maintenu en cellule collective malgré son état de santé dégradé. La visite familiale du 12 juin 2025 a mis en évidence un amaigrissement extrême et une faiblesse physique inquiétante. Ces traitements constituent des violations directes de l’article 10 du PIDCP, de l’article 16 de la Convention contre la torture, et des règles 24 et 58 des Règles Nelson Mandela.

Dans un contexte national marqué par la fermeture de l’espace civique, l’affaire de M. Larbi incarne de manière emblématique les dérives du système judiciaire algérien, marqué depuis plusieurs années par l’absence d’indépendance structurelle du pouvoir judiciaire, les entraves systématiques à l’accès à un avocat, et l’usage abusif de dispositions pénales vagues pour criminaliser l’exercice des droits civils et politiques.

À l’instar de nombreux avocats, journalistes, syndicalistes et militants, M. Larbi fait l’objet de poursuites fondées non sur des actes répréhensibles mais sur l’expression pacifique d’opinions critiques, notamment au sujet de l’exploitation des ressources naturelles dans le sud algérien, de la répression du Hirak, et du processus électoral.

  

Les associations AdalaForAll, Justitia Center et Libertés Algérie considèrent que la détention de M. Tahar Larbi est arbitraire au regard du droit international, dans la mesure où elle résulte directement de l’exercice de droits protégés par les articles 9 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est en outre politiquement motivée, et contraire aux engagements de l’Algérie en vertu de ses obligations internationales et régionales.

Face à cette situation d’urgence, nos organisations appellent à une mobilisation immédiate de la société civile algérienne, des défenseurs des droits humains, des organisations internationales, ainsi que des mécanismes onusiens, afin de dénoncer sans ambiguïté les traitements infligés à M. Larbi. Une prise en charge médicale indépendante et d’urgence doit être assurée.

Les actes de violence, de harcèlement et les mesures disciplinaires abusives doivent cesser immédiatement. Ses droits fondamentaux doivent être intégralement rétablis, notamment l’accès à sa famille et à ses avocats, dans des conditions compatibles avec les normes internationales. Un dialogue sérieux doit être engagé avec M. Larbi sur la base de ses revendications légitimes, qui s’inscrivent dans le cadre des libertés garanties par la Constitution algérienne et par le droit international des droits de l’homme.

Les associations AdalaForAll, Justitia Center et Libertés Algérie exigent aussi sa libération immédiate et inconditionnelle. Sa détention, dénuée de base juridique conforme aux standards internationaux, ne peut être interprétée autrement que comme une mesure de représailles contre un engagement pacifique et légitime en faveur des droits humains.

𝕾ignataires

Adala For All

Justitia Center

Libertés Algérie

 

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