Algérie : Le poète du Hirak Mohamed Tadjadit dans le box des accusés face à des accusations de terrorisme
Communiqué conjoint des associations Adala for All, Justitia et Libertés Algérie concernant le procès du 22 juin 2025
Alger, le 20 juin 2025 | Les associations Adala for All, Justitia et Libertés Algérie expriment leur profonde préoccupation face au procès pénal prévu ce dimanche 22 juin 2025, au cours duquel le poète et activiste algérien Mohamed Tadjadit, âgé de 31 ans, comparaîtra devant le tribunal de Dar El Beida à Alger. Ce procès s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle affaire s’ajoutant à quatre autres procédures judiciaires engagées contre lui en raison de ses activités artistiques et politiques pacifiques.
Crime d’apologie et d’encouragement des actes terroristes (article 87 bis 4 du Code pénal) ;
Crime d'utilisation des médias et technologies de communication pour soutenir les actions d’organisations terroristes et diffuser leurs idées (article 87 bis 12) ;
Délit d’incitation à un attroupement non armé (article 100) ;
Délit d’outrage à l’autorité constituée (article 146) ;
Délit de publication portant atteinte à l’intérêt national (article 96).
Ce procès repose sur des accusations d’une extrême gravité, notamment « incitation au terrorisme », « soutien à des organisations terroristes », « incitation à l’attroupement non armé » ainsi que des chefs d’accusation relatifs à « Outrage aux institutions de l’État » et « publication de contenus de nature à porter atteinte à l’intérêt national ».
Ces poursuites s’appuient essentiellement sur des œuvres poétiques et des publications médiatiques, y compris ses interventions sur les réseaux sociaux, notamment la campagne #JeSuisPasSatisfait, lancée en janvier 2024 et ayant rencontré un large écho en Algérie comme à l’international.
L’utilisation de dispositions juridiques aux formulations vagues, en particulier les articles 87 bis, 96 et 146 du Code pénal, pour criminaliser une expression artistique pacifique, constitue une violation manifeste du principe de légalité pénale et des garanties d’un procès équitable, telles que prévues par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie et intégré dans son ordre constitutionnel conformément à l’article 171 de la Constitution de 2020.
Mohamed Tadjadit avait bénéficié d’une grâce présidentielle le 31 octobre 2024, après une série d’arrestations et de détentions. Toutefois, il a été de nouveau arrêté et condamné en janvier 2025 dans une autre affaire, écopant d’une peine d’un an de prison ferme. Il fait aujourd’hui face à une accumulation de poursuites judiciaires révélant un schéma de harcèlement judiciaire sélectif et systématique, visant à le réduire au silence en tant que voix artistique dissidente et acteur culturel indépendant.
Depuis le début du mouvement populaire du Hirak, Mohamed Tadjadit incarne une voix singulière d’une génération de jeunes Algériens, exprimant leurs espoirs et leurs souffrances à travers une poésie accessible, ancrée dans la culture populaire, porteuse d’aspirations à un avenir plus juste et libre. Loin d’être reconnu comme un apport à la mémoire culturelle nationale, cet engagement artistique est devenu un prétexte à la criminalisation et à la répression, en violation flagrante des normes internationales protégeant la liberté d’expression artistique et culturelle, notamment le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les droits culturels de 2013.
Sur le plan constitutionnel, la poursuite des actions judiciaires contre Mohamed Tadjadit est en contradiction directe avec l’esprit et la lettre des articles 48 et 50 de la Constitution algérienne, qui garantissent respectivement le droit à la liberté d’expression et le droit à un procès équitable, et fragilisent les engagements proclamés par l’État en matière de droits humains et de libertés fondamentales.
En conséquence, les associations signataires exigent :
1. La libération immédiate et inconditionnelle de Mohamed Tadjadit, toutes les accusations portées contre lui étant liées à une expression artistique et pacifique, insusceptible d’être criminalisée dans un système juridique démocratique ;
2. La garantie d’un procès équitable si les charges ne sont pas abandonnées, incluant :
- L’exercice effectif du droit à la défense
- La publicité des audiences
- La supervision du déroulement du procès par des observateurs indépendants
3. La cessation de l’usage abusif des lois antiterroristes, et la révision des articles du Code pénal utilisés pour criminaliser la liberté d’expression
4. L’ouverture d’une enquête indépendante sur les conditions de ses détentions précédentes, notamment :
- Son arrestation sans mandat judiciaire
- La perquisition illégale de son domicile
- L’absence de garanties procédurales fondamentales
Les associations Adala for All, Justitia et Libertés Algérie affirment que le ciblage judiciaire de Mohamed Tadjadit ne constitue pas seulement une atteinte à sa personne, mais représente une attaque directe contre la liberté d’expression et de création en Algérie. Elles appellent la communauté internationale, y compris les mécanismes des Nations Unies et les organisations régionales et internationales, à assurer un suivi étroit de son procès et à intervenir en urgence afin de garantir le respect de ses droits fondamentaux et constitutionnels.

